Malgré qu'elle soit dans un sale état, la guérisseuse a décidé de sortir de sa tanière aujourd'hui. Sans doute pour la première fois depuis des mois, et la dernière. En effet, sa patte arrière gauche, malgré qu'elle soit officiellement paralysée, la faisait atrocement souffrir. Elle la lançait au niveau de la hanche. Elle lui faisait mal, du bas jusqu'au haut. Mais aujourd'hui, elle avait cédé à son envie. Aujourd'hui, elle avait laissé son coeur parler avant sa réflexion. Elle était là, couchée sur le sol. Et là, brutalement, sans qu'elle ne s'y attende réellement, un magnifique chat sauvage vint faire sa toilette à côté d'elle, semblant la prendre comme complètement innocente. Si il savait. Sa faim la rendait encore plus dangereuse. Et c'est pour cette raison qu'elle se releva brutalement, ignorant sa douleur, et se jeta sur lui. Elle lui brisa la nuque. Elle aurait du garder cette carcasse pour la meute, mais elle avait tellement faim qu'elle la dévora immédiatement. Cependant, alors qu'elle mangeait, une autre odeur se fit sentir tandis qu'elle distingua quelque chose d'étrange. Alors, sans hésiter elle se mit à marcher.

Malgré qu'elle mette beaucoup trop de temps à son goût, cela lui faisait du bien. En effet, pouvoir voir autre chose que sa tanière la rendait heureuse. Mais elle était consciente. Elle était consciente qu'à son âge, six ans et sept mois, elle était devenue bien trop vieille pour ces choses-là. Elle n'était plus une louve. Elle était devenue une senior. Officiellement, elle était devenue une vieille louve et elle savait qu'aujourd'hui, il fallait qu'elle fasse davantage attention. Soudain, un bruit se fit entendre. Elle releva brutalement la tête, laissa ses oreilles se mettre en avant et observa l'horizon. Là, une autre odeur. Elle marcha difficilement et remarqua une carcasse d'un lapin. Elle la prit délicatement entre ses crocs, et creusa comme elle put un trou pour l'y cacher.

Elle était là, le corps lui réclamant de faire une pause. Mais aujourd'hui, elle ne voulait pas y céder. Elle voulait vivre : une dernière fois.

Elle a six ans et quelques mois, aujourd'hui. Elle voyait certains loups vivre comme des louveteaux à cet âge-là, mais elle, non. Elle, Rakuen avait décidé de l'abandonner et de la laisser vieillir difficilement. Trop difficilement. Il y a quelques années, elle ne se serait sans doute jamais attendu à ce que son corps la lâche de cette manière. Pourquoi ? Elle n'en saura sans doute jamais la raison. Un bruit se fit entendre à sa droite et elle tourna immédiatement la tête. Un cerf se présentait. Il boitait du postérieur gauche. Elle hésita un instant .. Mais finalement, elle céda et se jeta brutalement sur la postérieur traînant. Le choc fit tomber l'animal car il voulu botter mais il tomba sur le côté à la place. Alors, elle bondit en avant, couinant de douleur sous l'élan, et mordit sa jugulaire. L'animal mourut au bout d'une dizaine de minutes.

Alors qu'elle était fière de sa proie, et surtout de ce qu'elle apporterait à sa famille, elle eut le sentiment que l'air changeait autour d'elle. Elle pencha la tête sur le côté et tenta d'en comprendre la raison.

Te voilà maintenant continuant difficilement ton chemin vers la voie de la découverte. Tu boitais toujours autant, mais tu es certaine de découvrir quelque chose, donc il est hors de question que tu t'arrêtes maintenant.

Soudain, un bruit étrange se fait entendre à ta droite : tu tournes la tête. Et là, tu découvres un couple d'ours brun non loin de toi. Sans hésiter une seconde, tu te tapis dans l'ombre. Tu sais parfaitement que dans ton état, tu n'as aucune chance. Habituellement, seule, tu n'en aurais eu aucune, mais alors maintenant, c'est même pas la peine d'essayer. Heureusement pour toi, le vent est contre eux, donc ils ne sentent pas ton odeur. Tu les regardes passer, patiente. Puis soudain, une odeur alléchante se fit sentir. Tu calmes tes ardeurs, mais la faim te tenaille. Alors quand tu ne vois plus leurs silhouettes, tu n'hésites pas un instant et t'en approches : un magnifique lièvre encore chaud était étendu au sol. Tu te lèches les babines, mais la meute passe avant tout. Alors, tu le prends délicatement entre tes crocs et vas le cacher dans un trou, que tu as creuser au préalable.

Tu es là, en marchant comme tu le pouvais. Tu as l'impression que la vie te donne une seconde chance : qu'elle t'autorises à explorer sans te faire souffrir.

Et tu comptais bien en profiter. Tu comptais bien te laisser aller à cette promenade matinale, à cette petite balade délicate. Malgré que tu souffres encore autant, tu n'écouteras pas ce corps, ce corps qui te faisait souffrir tous les jours. Et aujourd'hui, sans que tu ne comprennes réellement pourquoi, tu crus ressentir comme une force supérieure qui t'emmena bien plus loin que tu ne l'imaginais. Comme si on t'offrais des petites ailes. Tu eus un fin sourire et marchas, plus légèrement que tu ne l'avais encore fait. Soudain, une odeur délicate vint se faufiler dans tes narines. Tu relevas immédiatement la tête et remarquas une petite fumée, ainsi que l'air qui semblait changer. Tu penchas légèrement la tête sur le côté, mais il était hors de question que tu t'arrêtes. Alors sans hésiter une seconde, tu suivis cette odeur ainsi que cette fumée.