Elle fit une pause et sa présence ce fit plus importante dans l'esprit des loups, elle voulait qu'ils l'identifient bien en tant que Rakuen et non pas un rêve banal qu'ils auraient pu faire.
« Être accompagné d'un Kokaku pourrait vous permettre d'avancer plus rapidement dans la difficulté, puissiez-vous comprendre mes paroles, mes enfants. »
Elle commença à estomper sa présence et fit un signe de tête à chaque loup dans chaque rêve. Elle s'évanouit alors dans une trainée blanche, unique trace de son passage.
La vie est quelque chose d'incroyable pour tout être vivant, mais lorsqu'il s'agit d'un être ayant fait son apparition dans le monde depuis peu de temps, tout cela peut paraitre merveilleux au point d'ignorer la présence angoissante de la mort. Nous possédons tous une approche différente concernant celle-ci et le fait de la connaître plus tôt que les autres peu paraitre insurmontable mais lorsque les bons mots sont prononcés et les bonnes actions sont menées pour adoucir ce fait, tout peut paraître plus accessible.
Yume était de ceux qui avaient connu cette épreuve douloureuse bien trop tôt, elle n'avait pas souffert au point de se laisser déprimer pendant des semaines car elle avait eu la chance d'avoir une louve incroyable à ses côtés qui avait su la pousser vers le haut avant qu'elle ne trébuche.
Elle sortit de la tanière où elle logeait avec sa mère adoptive, son sourire se dessina lorsqu'elle remarqua que le temps était beau aujourd'hui et elle secoua son poil avant de manquer de tomber, après tout elle était encore un peu gauche sur ses appuies étant donné son jeune âge.
Elle suit tant bien que mal l'odeur de la vieille louve et elle trébuche sans trop comprendre où elle arrive. D'innombrables odeurs assiègent sa truffe alors que la lumière agresse son œil valide. Elle aperçoit Mitsuko au loin et la rejoint tranquillement, faisant attention à ne pas tomber car parfois son œil aveugle manque de la déséquilibrer.
La loupiote se frotte aux pattes de sa mère et remue la queue en observant les oiseaux qui passent au dessus d'elles deux, puis elle s'adresse à la louve grise.
« Bonjour ! »
Elle manque de trébucher encore une fois en suivant un oiseau du regard, elle n'est décidément pas très douée pour tenir sur ses pattes encore frêles.
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La vieille femelle se réveilla en entendant les premiers cris des oiseaux marins. Mitsuko avait peut-être pris de l’âge, mais son ouïe restait développée. Et puis, il fallait dire que les mouettes et autres oiseaux de la mer n’étaient pas très discrets. La tricolore leva la tête et bailla longuement. Son regard se posa sur Yume qui était collée à elle. La petite louve était profondément endormie. Un sourire se dessina sur les lèvres de la Soigneuse. Doucement, la vieille louve s’écarta. Puis, avec une légère difficulté, elle se leva et s’étira.
Quelques articulations craquèrent face à l’effort, mais rien de bien inquiétant. La Soigneuse jeta un nouveau regard à la petite. Elle dormait toujours. Soulagée, elle quitta discrètement les lieux et se dirigea vers la sortie. Le soleil se levait à peine. L’air était encore frais. Il piquait la gorge de la louve âgée.
Celle-ci s’assit à côté de l’entrée et observa un moment le paysage. Elle aimait cette tranquillité. Elle aimait être loin de l’agitation des autres membres de la meute. Après un second bâillement, la femelle entendit son ventre gronder. Il était l’heure d’aller chercher à manger. Mitsuko se leva et se partit à la recherche d’un repas.
Malgré le froid qui arrivait, la tricolore n’eut pas trop de mal à trouver une proie. Les lapins étaient nombreux dans le coin. En peu de temps, elle parvint à mettre la patte sur l’un d’eux. Elle revint près de son antre. Mitsu déposa la carcasse au sol et regarda le soleil. Il était levé maintenant. Un bruit attira alors l’attention de la Lieutenante.
Yume tentait, tant bien que mal, de la rejoindre. Elle trébuchait régulièrement, mais persévérait dans l’effort. Mitsuko était attendrie par la situation. L’enfant était tout bonnement adorable. Cette dernière venait d’arriver à la hauteur de la Soigneuse. Elle se frotta contre elle tout en remuant la queue.
« Bonjour ! » Lui dit-elle en manquant de tomber.
Mitsu frotta doucement sa tête contre celle de la petite. Puis, elle lui donna quelques tendres coups de langue. Yume lui rappelait ses propres enfants. Un doux sourire sur le visage, la femelle répondit à la crème.
- Bonjour, petite rêveuse. Lui dit avec tendresse la Soigneuse. Tu as passé une bonne nuit?
Son regard son regard se posa ensuite sur la carcasse. Elle était en train de refroidir là. Alors Mitsuko la poussa doucement vers la petite louve. Elle s’allongea ensuite.
- Est-ce qu’un lapin te tenterait, ma petite rêveuse ? Lui demanda Mitsuko.
La faim de l’enfant passait avant sa propre faim. Mitsuko ne laisserait jamais un petit mourir de faim. Elle ne voudra jamais revivre le même cauchemar.
La vie est comme un papillon qui prend son envol. Il nait en étant une chenille qui peine à avancer et à se nourrir, puis il devient cette chrysalide que rien ne semble pouvoir atteindre. Après quelques temps passés à se reposer, il finit par sortir, ce papillon dont les ailes ont besoin de sécher au soleil. Il secoue ces magnifiques voiles et prend son envol, tel un oiseau qui aurait appris à voler instinctivement.
Parfois Yume rêve, la petite repense et se remémore le peu de souvenir qu'elle possède de sa mère biologique. Qui était donc Chimère ? Cette louve qui l'avait mise au monde tout en lui sacrifiant sa vie. Elle rêvait d'elle, de la voir, de pouvoir la rencontrer mais surtout elle voudrait la remercier plus tard, pour avoir pris le temps de la confier à une louve aussi incroyable que Mitsuko. Elle lui avait trouvé, non seulement un être d'une rare bonté, mais surtout une mère qui pouvait combler ce vide qu'elle allait laisser en rejoignant Rakuen.
Tout cela étant encore très abstrait pour la jeune demoiselle, elle ne comprend pas encore tout et n'a pas encore la réflexion aussi poussée pour pouvoir tout assimiler alors elle se contentera de vivre sa vie en pensant de temps à autre, à cette mère disparue.
Elle se rend compte que sa mère d'adoption se trouve dans son champ de vision, qu'elle est tout contre elle et son sourire s'étire encore plus lorsqu'elle s'adresse à elle.
« Oui maman Mitsu' ! Et toi alors ? »
Elle se dandine doucement jusqu'à arriver au niveau de la proie et lorsqu'elle se penche pour croquer dedans, elle en prend un morceau dans sa petite gueule et l'emporte jusqu'à sa mère.
« Chtiens, ché pour chtoi ! »
Elle le dépose devant elle et la regarde en penchant la tête sur le côté, son œil aveugle étant penché vers le bas (elle penche donc la tête sur la droite).
« Et ça, c'est quoi comme plante ? »
Elle a aperçu une plante derrière Mitsuko et se demande ce que c'est, son regard pétille alors qu'elle attend la réponse.
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L’enfant eut un grand sourire en entendant les paroles de la vieille louve. Celle-ci était heureuse. Yume était comme un rayon de soleil, elle lui réchauffait le cœur et lui donnait une raison de vivre dans ce monde. La petite, toute joyeuse, lui répondit.
« Oui maman Mitsu' ! Et toi alors ? »
Bien que la meute les considère comme mère et fille, le sang ne les liait pas. Et même si Mitsuko aimait Yume de tout son cœur, elle ne pouvait pas appeler l’enfant « sa fille ». La mère de Yume était Chimère et Yume était sa fille, elle ne pouvait pas enlever ce lien qui les liait. Et la Soigneuse savait que la claire avait une vision similaire. Bien qu’elle l’appelait « maman », il y avait toujours son surnom derrière. Mais la Lieutenante n’en voulait absolument pas à la petite.
- Il m’a semblé avoir reçu quelques coups de patte durant la nuit, mais j’ai passé une bonne nuit. La taquina-t-elle, posant sa truffe contre les petites pattes de l’enfant.
Elle lui parla ensuite du lapin et Yume se dirigea vers la carcasse. Elle se dandinait légèrement, ayant du mal à marcher avec ses petites pattes. Cette démarche bien particulière faisait rire la Soigneuse. L’enfant croqua dans le lapin à pleins crocs, arracha un morceau de viande et se retourna. Elle s’approcha de Mitsuko et déposa le morceau au sol. Pour elle, il devait lui sembler immense, mais il était en réalité assez petit. C’était tout à fait normal parce qu’elle possédait une petite gueule par rapport à la vieille louve.
« Chtiens, ché pour chtoi ! » Lui annonça Yume.
Mitsu rigola légèrement, amusée par le comportement de l’enfant. Elle était également touchée par le geste de la petite, même si elle ne voulait pas le montrer. Elle donna un petit coup de langue sur la tête de la crème pour la féliciter et mangea le morceau. Ensuite, elle approcha de nouveau la carcasse, pour que Yume se restaure également.
Mais l’attention de la petite s’était portée sur autre chose. À côté de la Soigneuse se trouvait de l’Astragale qu’elle avait trouvé en revenant de sa chasse. L’enfant avait les yeux rivés dessus. Elle pencha la tête sur le côté et demanda.
« Et ça, c'est quoi comme plante ? »
La Lieutenante prit la plante entre ses crocs et la posa devant Yume pour qu’elle l’observe. Elle était encore trop jeune pour que Mitsuko la laisse toucher la plante, mais elle pouvait regarder et humer l’odeur qui en émanait.
- Ça s’appelle de l’Astragale, petite rêveuse. Lui répondit ensuite la Soigneuse, la voix douce. Tu sais à quoi elle sert ? Lui demanda-t-elle.
Elle en avait déjà donné à des loups de la meute, mais elle ne s’attendait pas vraiment à ce que Yume s’en rappelle. Elle était curieuse, mais l’effet des plantes ne l’intéressait peut-être pas. Mais vu que l’enfant semblait curieuse à propos de la plante, elle demandait quand même.
- Un petit indice, j’en donne surtout à ceux qui viennent régulièrement me voir. Ajouta Mitsuko.
Yume était encore jeune, elle avait bien le droit d’avoir de l’aide. Mais l’indice de la vieille louve n’allait peut-être pas l’aider… L’Astragale, Mitsuko en donnait pour les loups qui tombaient régulièrement malades ou qui prenaient de l’âge. Les loups âgés ont tendance à tomber malades plus souvent qu’avant, il était donc normal de leur en donner. Avec un doux sourire, Mitsu regardait la petite louve.
Il fut un temps où la petite avait pleuré sa mère, libérant des flots de larmes qui accompagnèrent l'âme d'une Chimère bien trop faible pour pouvoir résister à l'appel de la mort. Un sourire s'était dessiné sur le visage crispé par la douleur, adoucissant la dureté de la scène mais lorsqu'un nouveau grognement fut à peine retenu par la blanche, une dernière respiration s'évanouit dans un mouvement.
Les sanglots passés, la vie avait pu reprendre sans pour autant faire place à l'oubli. Le soir on pouvait entendre les gémissements d'un être chétif, pleurant la perte d'une mère qui se trouvait maintenant aux côtés de Rakuen mais lorsque le jour se levait tout semblait être normal comme si la vie était plus forte que la tristesse et l'abandon.
Les rêves sont une des manières de s'évader et d'échapper à la dureté du monde, de s'enfuir loin des épreuves pour une courte durée mais dans le cas de Yume, ils s'accompagnent d'une grande responsabilité. Lorsqu'elle rêve, elle sait quoi dire, elle sait quoi faire et ne se laisse pas avoir par le doute. Ses mots sont comme une bénédiction (même si elle en ignore encore une grande partie) qui couvre les malades dans une épaisse couverture pour endormir leurs maux.
Yume réfléchit, elle écoute les paroles de sa mère adoptive et essaye de se souvenir de ce qu'elle a pu voir pendant ces quelques mois de vie. De nombreux loups font des visites à Mitsuko, après tout c'était la meilleure soigneuse de la meute !
« Je crois... que tu en donnes quand les loups sont fatigués ? »
La petite n'était pas réellement sûre de ce qu'elle avançait mais elle essayait tant bien que mal de retenir un maximum de choses pour que Mistuko soit fière d'elle ! Elle espérait avoir raison mais pourtant même si elle avait tord, elle serait heureuse car elle aurait appris quelque chose de nouveau.
« Est-ce que... »
Elle avait commencé sa phrase, après tout elle n'en avait jamais parlé à sa mère de substitution mais c'était le bon moment après tout, alors elle fonça.
« Tu voudras bien m'apprendre maman Mitsu' ? »
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